Ici, je mets ce que dit Blavatsky sur le sujet dans son
livre La Clef de Théosophie dans le chapitre De la Récompense et de la Punition
de l'Ego. Remarque, par Ego elle se réfère à l’être interne qui réincarne
(notre vrai Moi) et non à la partie névrotique de la personnalité. Pour donner
une analogie, imaginez que l’Ego est l’acteur et la personnalité est le personnage
qu’il interprète pendant son séjour sur Terre.
Je vous ai entendu dire que l'Ego, qu'elle qu'ait pu être la vie
sur terre de la personnalité dans laquelle il s'est incarné, ne subit jamais de
punition après la mort.
Jamais, sauf dans des cas très exceptionnels et très
rares dont nous ne parlerons pas ici, puisque la nature de cette
« punition » ne ressemble en rien à vos conceptions théologiques de
la damnation.
Mais si c'est l'Ego qui est puni dans cette vie des fautes
commises dans une vie antérieure, c'est lui aussi qui devrait être récompensé,
que ce soit ici-bas ou une fois désincarné.
II en est effectivement ainsi. Si nous n'admettons pas de
punition ailleurs que sur cette Terre, c'est parce que le Soi Spirituel ne
connaît pas d'autre état dans l'au-delà que celui d'une béatitude sans mélange.
Que voulez-vous dire ?
Tout simplement ceci : les crimes et les péchés
commis sur un plan d'objectivité et dans un monde de matière ne peuvent être
punis dans un monde de pure subjectivité.
[Les crimes et les péchés se payent dans le
monde physique, que ce soit dans cette vie ou dans
la prochaine réincarnation. C’est pour
cela que tous ceux qui ne se sont pas laissé fondre dans
la boue du péché irrémissible
et de la bestialité vont à Devachan (« le ciel »). Le mauvais karma qu'ils
ont généré au cours de leur
vie terrestre est mis de côté pour l'instant. Ce karma le suivra plus tard dans sa future réincarnation.
Ils emportent seulement avec eux à Devachan,
le karma positif de ses bonnes actions, paroles et pensées. Plus tard,
ils devront payer pour leurs
péchés qu'ils le veuillent ou non.
Pour le moment, ils sont récompensés
pour leur altruisme et ses efforts
pour se développer au cours de leur
vie terrestre. (Lettre Mahatma 16, p100-103)]
Nous ne croyons pas à un enfer, ni à un paradis,
considérés comme des localités, ni à des flammes qui brûlent et des vers qui
rongent, comme des réalités objectives qui durent à jamais, ni à des Jérusalem
dont les rues sont pavées de saphirs et de diamants. Par contre, nous croyons à
un état post mortem, ou à une condition mentale après la mort, semblable à ce
que nous vivons quand nous sommes dans un rêve d'une grande intensité. Nous
croyons à une loi immuable d'Amour, de Justice et de Miséricorde absolus. Et,
avec cette conviction, nous disons :
Quel qu'ait été le péché et quels que soient les terribles
résultats de la transgression karmique originelle des Egos actuellement
incarnés, nul homme (si nous appelons ainsi la forme extérieure, matérielle et
périodique, de l'Entité Spirituelle) ne peut, en toute justice, être considéré
comme responsable des conséquences de sa naissance. Il ne demande pas à naître
et il ne peut pas choisir les parents qui lui donneront la vie. Sous tous les
rapports, il est victime de son milieu, l'enfant de circonstances sur lesquelles
il n'a point de pouvoir. Et si l'on examinait impartialement chacune de ses
fautes, on trouverait neuf fois sur dix qu'il fut celui contre qui le péché a
été commis, plutôt que le pécheur lui-même.
La vie n'est guère mieux qu'une pièce de théâtre d'où
tout sentiment est exclu, une mer orageuse à traverser, un lourd fardeau
souvent trop difficile à porter. Les plus grands philosophes ont essayé en vain
de la sonder et d'en découvrir les explications dernières, mais tous ont échoué
à l'exception de ceux qui en détenaient la clef, à savoir les sages de
l'Orient. La vie, comme le dit Shakespeare :
« N’est qu'une ombre errante, semblable à un pauvre comédien
Qui s'enfle d'orgueil et s'agite sur la scène
L'espace d'une heure, pour rentrer ensuite à tout jamais
Dans le silence. C'est une fable
Contée par un idiot, pleine de tumulte et de fureur
Et qui ne signifie rien »
Qui s'enfle d'orgueil et s'agite sur la scène
L'espace d'une heure, pour rentrer ensuite à tout jamais
Dans le silence. C'est une fable
Contée par un idiot, pleine de tumulte et de fureur
Et qui ne signifie rien »
Elle ne signifie rien si on l'envisage par fragments séparés, mais elle est de la plus grande importance dans son aspect collectif, embrassant l'ensemble des existences successives. En tout cas, chaque vie individuelle, considérée dans son plein développement est presque toujours un chagrin. Faudrait-il croire que le sort de l'homme malheureux et impuissant, soit d'être livré à une sempiternelle damnation ou même à un châtiment temporaire, après avoir été ballotté comme un tronc d'arbre pourri sur les flots déchaînés de la vie, s'il s'est montré trop faible pour y résister ?
Jamais ! Qu'il s'agisse d'un pécheur
ordinaire ou d'un grand pécheur, d'un être bon ou mauvais, coupable ou
innocent, une fois qu'il est délivré du fardeau de la vie physique, le Manu
( l'Ego pensant) fatigué et épuisé, a gagné le droit à une période de
repos et de béatitude absolus.
La même Loi, infailliblement sage et juste, plutôt que
miséricordieuse, qui inflige à l'Ego incarné la punition karmique de tous les
péchés commis pendant la vie précédente sur Terre, a prévu pour l'Entité,
maintenant dépouillée du corps, une longue période de repos mental,
c'est-à-dire d'oubli complet de tous les tristes événements et même, jusqu'à la
moindre pensée douloureuse qui se produisirent du vivant de sa dernière
personnalité, en ne laissant dans la mémoire de l'âme que le souvenir de ce qui
fut félicité ou de ce qui conduisit au bonheur.
Plotin [philosophe grec néoplatonicien] en disant que
notre corps était le véritable fleuve du Léthé [un des fleuves le royaume d'Hadès
(le monde des morts), nommé « fleuve de l'Oubli »], parce
que les âmes qui s'y plongent oublient tout, voulait exprimer plus que le
simple sens des mots. Car, si notre corps terrestre est ici-bas, comme le
Léthé, notre corps céleste en Devachan l'est également, et même bien davantage.
Dois-je entendre alors qu'il est permis à l'assassin, au
transgresseur de toute loi humaine et divine, d'échapper à la punition ?
Qui a jamais dit cela ? La doctrine qu'enseigne notre philosophie à
l'égard de la punition est aussi sévère que celle du calviniste le plus
intransigeant, mais infiniment plus philosophique et conforme à la justice
absolue. Nulle action ne restera impunie, pas même la moindre pensée coupable.
Cette dernière est même punie plus sévèrement que la première, car une pensée
est en puissance, bien plus prometteuse de mauvais résultats que ne l'est même
une action. Nous croyons dans le Karma, cette loi infaillible de Rétribution qui se
manifeste par un enchaînement naturel des causes et de leurs résultats
inévitables.
Mais où et comment cette loi agit-elle ?
Tout ouvrier est digne de son salaire, dit la Sagesse
dans l'Évangile. Toute action bonne ou mauvaise est une mère féconde, dit
également la Sagesse des Âges. Rapprochez ces deux vérités et vous trouverez le
« pourquoi ». Après avoir accordé à l'Âme, soustraite aux douleurs de
la vie personnelle, une compensation suffisante et même, cent fois plus que
suffisante. Karma avec son armée de skandhas, monte la garde sur le seuil du Devachan
d'où l'Ego va ré-émerger, pour assumer une nouvelle incarnation. C'est à ce moment
que la destinée future de l'Ego, maintenant reposé, oscille dans la balance
d'une juste Rétribution, car il retombe maintenant sous la coupe de la loi
karmique en action.
C'est dans cette renaissance qui est prête pour lui, renaissance
choisie et préparée par cette Loi mystérieuse, inexorable et pourtant
infaillible dans l'équité et la sagesse de ses décrets que les péchés de la vie
précédente de l'Ego seront punis. Cependant, l'Ego n'est jeté dans aucun enfer
imaginaire, avec flammes théâtrales et diables ridicules munis d'une queue et
d'une paire de cornes, mais tout bonnement sur cette terre, sur le plan et les
lieux de ses péchés, où il devra expier toute pensée et toute action mauvaises.
Ce qu'il a semé, il le moissonnera. La réincarnation rassemblera autour de lui
tous les autres Ego que la personnalité passée a fait souffrir, directement ou
indirectement, ou même par son intermédiaire inconscient. C'est Némésis qui les
lancera sur le chemin de l'homme nouveau, qui cache l'ancien, l'Ego éternel,
et...
Mais où est l'équité dont vous parlez, puisque ces personnalités
nouvelles ignorent également qu'elles ont péché, ou qu'elles ont souffert à
cause des péchés des autres ?
Peut-on dire d'un habit volé qu'il est bien traité,
lorsque son propriétaire le déchire en voulant l'arracher au voleur sur lequel
il le reconnaît ?
La nouvelle personnalité n'est rien d'autre qu'un
habit neuf, avec ses caractéristiques spécifiques de couleur, forme et qualités,
bien que l'homme réel qui le porte soit le coupable de jadis. C'est l'individualité
qui souffre par l'intermédiaire de sa personnalité. C'est cela, et cela
seulement qui peut expliquer la terrible injustice qu'on remarque dans la
distribution du destin qui échoit aux hommes, encore que cette injustice soit
seulement apparente.
Lorsque vos philosophes modernes auront réussi à nous
montrer une bonne raison nous expliquant pourquoi tant d'hommes bons et
apparemment innocents, ne voient le jour que pour souffrir toute leur vie,
pourquoi tant de malheureux naissent dans la pauvreté pour finir par mourir de
faim dans les quartiers sordides des grandes cités, abandonnés également par le
destin et par les hommes, pourquoi les uns viennent au monde dans des taudis,
tandis que les autres ouvrent les yeux à la lumière dans des palais, pourquoi
une naissance noble et une grande fortune semblent souvent données aux pires
des hommes et rarement à ceux qui en sont dignes, pourquoi il y a des mendiants
dont le Soi intérieur est l'égal de celui des plus élevés et des plus nobles de
tous les hommes, lorsque vos philosophes et vos théologiens pourront expliquer
toutes ces choses, et bien d'autres encore, alors seulement, mais pas avant,
vous aurez le droit de rejeter la théorie de la réincarnation.
Les plus grands et les plus inspirés des poètes ont eu
souvent comme une intuition de cette vérité des vérités. Shelley a cru en elle,
et Shakespeare a dû y penser en écrivant ses vers sur l'insignifiance de la
naissance. Rappelez-vous ses paroles :
« Pourquoi ma naissance retiendrait-elle mon esprit qui s'exalte ?
La moindre créature n'est-elle pas soumise au temps ?
II est, de par le monde des légions de mendiants,
Qui par leurs origines, sont descendants de rois.
Et l'on voit, aujourd'hui, maint monarque dont le père
La moindre créature n'est-elle pas soumise au temps ?
II est, de par le monde des légions de mendiants,
Qui par leurs origines, sont descendants de rois.
Et l'on voit, aujourd'hui, maint monarque dont le père
Fut la canaille de son temps... »
Remplacez le mot « père » par « Ego » et vous aurez la
vérité.